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Author: Jean-Etienne Haeuser

Le tournoi International raconté jour après jour

Le tournoi International raconté jour après jour

Par Jean-Michel Labourdique

Dimanche, veille de tournoi

La Clausilie Romaine

Depuis 2000 ans, l’amphithéâtre romain de Nîmes abrite des bêtes à cornes. Non, on n’y a oublié aucun encierro de taureaux Miura. Simplement, un sympathique escargot à la coquille bizarre, la Clausilie Romaine, y broute discrètement les mousses et les lichens des gradins depuis deux millénaires.

Ce gentil gastéropode, amateur d’archéologie, n’existe que là et à Rome. On suppose qu’il est arrivé chez nous avec les maçons romains, au temps où Jules César était un petit garçon.

À Nîmes, il a entendu les triomphes de Johnny Halliday et les brindis de Rafael El Gallo, les pas de Guillaume Apollinaire, la voix de Frédéric Mistral. Il a entendu tout ça discrètement. Leucostigma candidescens aime l’ombre, l’humidité, la solitude. On ne l’a identifié qu’en 2009.

Les Nîmois sont fiers de leur petit escargot. Quand ils ont rénové les gradins antiques, ils n’ont pas touché aux vieux WC désaffectés. La Clausilie Romaine bénéficie désormais du biotope le plus exigu et le plus original du monde vivant : les gogues à jamais inutilisables des arènes de Nîmes.

Les joueurs d’échecs sont comme le petit escargot. Comme lui, ils vivent un peu en retrait du bruit de la fureur et de la vulgarité et cultivent l’amour du silence et de la beauté, qu’on la trouve dans la simplicité de l’amitié, les vieilles pierres, ou les plans d’attaque bien construits.

Comme lui, il est l’héritier d’un très vieux passé, et les architectes de ses palais s’appellent Philidor, Najdorf, ou Ruy Lopez.

Enfin, comme lui, il est le roi d’un tout petit biotope. Le sien,encore plus petit que les toilettes nîmoises, mesure les dimensions d’un carré de 64 cases, qui lui est pourtant un paradis immense.

Je lis tout ça à Wesley.

– Qu’est-ce qui te prend d’affirmer que j’aime la discrétion et le silence ? Dit-il, en enfonçant la touche « ON », et du rap français insupportable envahit soudain l’espace de la bagnole.
– Arrête ton char, je réponds, tu m’as avoué que tu sortais la nuit pour regarder les étoiles pendant des heures.
– Ouaip. En écoutant du Nekfeu. C’est un spectacle magnifique.

L’être humain est complexe, les futurs Carlsen.

– Tout ce que j’entreprends marche, Jean-Michel, c’est magnifique. Mon idée de faire un tirage au sort avec des petits papiers pour le Tournoi des Grands Maîtres a déchaîné l’enthousiasme, on a trouvé ça follement vintage. Et puis j’ai réussi mon examen de passage à la télé, des phrases courtes, sujet-verbe-complément, le style de César dans la Guerre des Gaules. Et puis, la coordination avec le corps arbitral et la mairie de Créon est parfaite.

Le Président a la pêche, les futurs Carlsen !

Jour 1

Ad Augusta per Angusta

Vers un but sublime par des voies étroites. C’est le mot de passe des conjurés qui cherchent à assassiner le roi d’Espagne dans Hernani de Victor Hugo. C’est aussi la devise du 29e Tournoi International d’Échecs de Créon. Un chantier pharaonique et une grue énorme barricadent aux trois quarts l’accès, déjà étroit, qui permet d’accéder à la salle de jeu. Comme les conjurés dans Hernani, nous assassinerons peut-être le roi adverse, mais après avoir rampé dans les gravats.

– Simple péripétie, a déclaré Wesley. Au festival de Cannes, l’important est ce qu’il se passe dans la salle de projection, pas dans le grand escalier. Et puis, un joueur d’échecs est un sportif. Il peut marcher cinq minutes au soleil.
– Et les non-voyants ? J’ai dit.
Wesley a ouvert les bras, de l’air de dire : Hier, j’ai pêché un brochet d’un mètre trente.
– La navette du club se faufile partout. Elle a largement la place.
J’ai considéré, pensif, la petite allée qui devait permettre la circulation de 200 joueurs.
– Le sergent Garcia sur un solex aurait du mal à passer.
– Le sergent Garcia ne joue pas aux échecs, a répliqué Wesley. Il poursuit Zorro. Tous les véhicules autorisés passeront, car je le veux. Un chef, ça cheffe.

Wesley a raison. Tous les véhicules autorisés ont pu passer. Un chef, ça cheffe.

Le soir venu, j’ai quitté la salle Ulli Senger le cœur serein. Tous les futurs Carlsen s’étaient bien battus. Leo avait arraché un match nul méritoire, Roi contre Roi. Match nul aussi pour Liam, après un pat malicieux. Gauthier est entré dans une finale de Tours avec deux pions d’avance : Victoire !Victoire aussi pour Éliote, grâce à la Française Variante d’Avance. Ceux à qui la victoire n’a pas souri se sont néanmoins bien battus.

Chez moi, j’ai réuni quelques amis joueurs qui me font l’honneur d’accepter mon hospitalité. Nous avons réfléchi sur un problème difficile, qui aurait laissé Ruy Lopez baba. Les cerveaux fumaient et j’avais vachement envie de cheffer.
– …a dit Laurent, du club Bayonne Adour Échecs, en écartant les bras,la mine triste.
– …a répondu Denis, de l’Aviron Bayonnais Échecs, en hochant la tête,conscient de la difficulté.
– …a conclu André-Paul, de l’Échiquier Arverne, en levant les yeux au ciel.
– C’est pourtant clair, j’ai dit. Si on fait la Sauce de Veau mardi soir, quand tous les invités arrivent, on peut prendre de la paella pour tout le monde mercredi matin, au marché, et garder le confit de canard pour la fin, samedi.

Un chef, ça cheffe.

Jour 2

Le Tétraodon et le Loup

Le tétraodon, c’est le poisson-globe, le fugu des Japonais. Il double son volume en cas de danger pour décourager son agresseur. Et ça marche !

Le loup, c’est le loup des Contes du Chat Perché de Marcel Aymé, qui cherche désespérément à entrer dans la ferme de Delphine et Marinette. Un jour, après avoir contemplé les vitraux de l’église du village, il conclut que pour avoir l’air bon, il suffit de prendre l’air égaré et de laisser pendre sa tête sur son épaule gauche. Et ça marche ! Le loup pénètre enfin le périmètre sacré.

Certains joueurs d’échecs jouent la défense Marcel Aymé. D’autres préfèrent la Tétraodon. Elles ont ceci de particulier qu’elles se jouent AVANT la partie.

Bernard est un fervent partisan de la Tétraodon. Il repère un adversaire impressionnable et annonce abruptement au gars terrorisé : « Toi, je vais te faire g4 ! » À ce moment, Bernard ne double pas son volume, mais il a les mêmes yeux que le tyrannosaure dans Jurassic Park.

Laurent, lui, joue la Marcel Aymé. S’il peut entraîner son futur adversaire à la buvette et lui tenir un discours amical autour d’une orangeade, le succès est assuré.

Aujourd’hui, le tétraodon a dû digérer un gros hors d’œuvre, un combat de 5h40, interminable mais haletant, qui s’est terminé par une nulle par répétition de coups. Bernard a serré la main de son adversaire valeureux, il est parti, puis il est revenu sur ses pas pour lui serrer à nouveau longuement la main. Quelle partie !

L’après-midi, le tétraodon n’était pas assoupi. Il semblait même que le combat précédent avait décuplé l’énergie du fauve. Un pion passé, après des préparatifs minutieux, a été envoyé à Dame dans une forêt de pièces adverses. Après l’abandon de son jeune adversaire, Bernard a très gentiment démonté devant lui le mécanisme de son offensive.

Laurent n’a pas démérité ce matin. Mais est-ce l’effet d’une alimentation trop riche en lipides ? Sa partie du matin n’a pas été récompensée. Par contre, son après-midi a été triomphant. Le pion passé de son adversaire a rapidement été effacé de l’échiquier, et Laurent « a ouvert le compteur ».

À 14 heures, je suis allé papoter avec les bénévoles de la buvette.
– La buvette, c’est une expérience radieuse d’amitié et de solidarité, a dit Laure.
– Oui, a dit Chrystelle, mais si tu la tiens sérieusement, ton repas de midi, tu fais une croix dessus !
– Pas aujourd’hui, a dit Aline, les gens font un effort pour ne pas arriver tous en même temps.

Mais, de l’avis unanime des filles, de Sébastien et de Patrice, les gens sont adorables. Il est question d’afficher la photo des plus adorables sur le mur derrière les bouteilles de vin. Attention ! La véritable compétition ne se déroulera peut-être plus dans la salle de jeu, mais sur ses murs !

Jour 3

Une absurdité magnifique

Que Homère ait existé, ça n’est pas sûr du tout, affirma un jour avec force un de mes professeurs. La seule chose dont on soit sûr, c’est qu’il était aveugle.

Nous étions fasciné par ce délire. Nous ne mouftions pas.

Aux échecs, comme autrefois au collège, la possibilité d’un monde fou mais jubilatoire vient miroiter devant nos yeux. Et si je poussais mon pion en f5 ? Au fond, on sait qu’il ne faut pas le faire, que c’est suicidaire. Mais on repense à ce vieux professeur de collège et on le fait malgré tout, parce qu’on a envie de commettre un acte déraisonnable et superbe.

À cause de cet accès de folie, j’ai sabordé une Sicilienne Rossolimo pourtant bien commencée. Les futurs Carlsen ont été beaucoup plus adultes. Leo a profité de la fatigue de son adversaire pour pousser une astucieuse fourchette Tour-Dame. Mani a profité d’une position ultra-fermée et très ennuyeuse pour obtenir une nulle qui a satisfait tout le monde. Quant à Éliote, il a expliqué sa victoire avec de la verve :
– J’ai utilisé une tactique de Malade !
– Laquelle, Éliote ?
– Cavalier prend !

La verve de Bernard Dubertrand a rendu le repas du soir inoubliable. Nous avons visité avec lui le cimetière cubain où repose José Raùl Capablanca, champion du monde des années 20. Sa pierre tombale est surmontée d’un Roi de jeu d’échecs en granit de trois mètres de haut. Nous avons assisté à la lecture d’un mémoire de thèse, qui résume le résumé du testament égaré de Tigran Petrossian, champion du monde des années 60. Enfin, nous avons longtemps discuté de Tresses, qui est pour les joueurs bayonnais, semble-t-il, ce qu’était New York pour les émigrants irlandais au temps de la grande famine.

Bienvenue en Gironde, Laurent !

Jour 4

L’Homme à la moto

Jamais il ne se coiffait
Jamais il ne se lavait
Du cambouis sous les ongles !
Et sur le biceps il avait
Un cœur tatoué à l’encre bleue sur sa peau blême
Et dedans on pouvait lire Maman je t’aime.

Comme tous les chefs-d’œuvre, la chanson de Édith Piaf est ambiguë. Un concentré de tragédie, ou un sommet du comique ?

Quelques ouvertures d’échecs sont comme ça. Par leur nom, elles revendiquent un côté clownesque : la Défense Orang-outang, la Défense Hippopotame, la Frankenstein-Dracula. Mais quand on les joue ou qu’on les affronte, on s’aperçoit parfois que le clown a fait Polytechnique !

Ce matin, j’ai fredonné in-petto la chanson de Piaf en voyant mon adversaire construire une Défense Hippopotame. Mes attaques se sont fracassées sur ce monstre. Il faut se méfier des hippopotames.

J’ai profité de ma défaite pour faire l’aquarelle de quelques joueurs et de Laure. Lecteur, soit indulgent ! Si j’avais vaincu l’Hippopotame, elles auraient été meilleures.

Les parties de l’après-midi sont anecdotiques. La vraie nouvelle, c’est le Défi.

Le Défi a été lancé ! Au basket 3×3 ! Il opposera demain aux Filles de la Buvette une sélection de joueurs du Lorioux ! Après la partie de l’après-midi !

– Vous n’allez pas exister, a dit Chrystelle en soupirant de pitié. En tout cas, n’oubliez pas votre Jouvence de l’Abbé Soury.
– La date de péremption de quelques joueurs est peut-être dépassée, ai-je courtoisement répliqué, mais c’est comme les yaourts : Plus ils sont anciens, plus ils sont dangereux.
– Je choisirai un ballon pas trop lourd et un terrain pas trop grand, a ajouté Chrystelle. Vous allez en parler à vos épouses ?

Une fois entre hommes, nous avons tenu un rapide Conseil de Guerre.

– Tout dépend de la partialité de l’arbitre, a dit Denis. Laurent serait parfait pour nous.
– Les parties de Laurent sont interminables, j’ai dit. Il n’aura pas fini, que le blitz aura déjà commencé.
– Il sera parfait ! a insisté Denis. L’essentiel est qu’il ne siffle pas trop les passages en force. Ou alors, qu’il laisse l’avantage, comme au rugby.

Nous avons arrêté de parler de tout ça quand nous avons vu Monsieur Pierlot. Lecteur, ses livres sont magnifiques !

Futurs Carlsen, le tournoi de Mannheim de 1914 est raconté avec tous les détails dans le tome 4. Mais surtout, les futurs Carlsen, prenez le temps de parler à Monsieur Pierlot avant d’entrer dans la salle de jeu. Vous ne le regretterez pas. Mais attention, vous oublierez peut-être même d’entrer dans la salle de jeu.

À demain !

Jour 5

Maximus, Général des légions du Nord

Maximus, c’est Gladiator, l’ennemi mortel de l’empereur Commode. À Créon, nous avons aussi notre Maxime et, au palmarès des exploits guerriers, il concurrence Russell Crowe. Maxime, 14 ans, revient d’un camp itinérant en Grèce. Pendant un mois, il a planté sa tente entre les incendies et il nous revient, affûté comme un couteau. Depuis le début du tournoi, il accumule les performances contre les joueurs de plus de 2000 Elo. Attention ! Maxime, comme Maximus, n’est pas invincible ! Mais dans la victoire comme dans la défaite, il montre le même fair-play et la même simplicité.

On est fier de toi, futur Carlsen !

Parlons maintenant de la véritable compétition inoubliable qui a eu lieu hier et marquera l’histoire du club. Elle a opposé, sur le terrain de basket à côté de la salle Ulli Senger, en 3×3, une sélection formidable des filles de la buvette aux Harlem Globe Pépères – André-Paul, Denis, Stéphane et moi – la Team inoubliable des Raoul Lorioux, dont la moitié des effectifs est née sous la IVe République.

En partant de la salle pour arriver aux terrains, les filles mêlées aux vétérans, j’avais l’impression enivrante d’être encore en seconde, entre Anne-Marie et Bernadette, quand les classes, pour le rugby ou l’athlétisme, entamaient une transhumance scolaire entre le lycée et le stade. C’était la même gentillesse et la même complicité.

Après la partie, les garçons, cartographes de l’Amitié, ont écrit sur le ballon, en guise de globe terrestre, les prénoms des filles, comme on nomme des pays : Emmeline, Laure, Chrystelle.

Quel match ! Toute la partie, Chrystelle a été un feu follet agressif et souriant, impossible à contrôler, et trouvant toujours un soutien. Comme dans les dessins de Franquin, j’étais comme le gorille qui essaie d’étreindre le Marsupilami.

J’ai surveillé Laure comme le lait sur le feu, pendant qu’elle pratiquait sur l’homme un marquage étroit. Mais alors, Lecteur, tu me diras : Si tu la surveillais de près, comment a-t-elle fait pour marquer tous les points de son équipe (sauf deux) ? Je l’expliquerai avec les mots de Montaigne : Parce que c’était elle, parce que c’était moi.

Emmeline a eu des courses virevoltantes parmi nous, parfois à travers nous, comme un skieur qui efface des piquets. Mais, après chacun de ses tirs, le ballon faisait blong blong blong sur l’anneau métallique, et tombait immanquablement à côté. À la fin, Emmeline ne regardait même plus jusqu’au bout, comme les pessimistes qui, quand ils renversent le plateau du petit-déjeuner, savent dès le départ que toutes les tartines tomberont côté confiture.

Le retour se fit par un bon vent frais, le même qui souffle sur le front des marins qui reviennent d’une course au large. Le pot que nous avons partagé à la buvette avait la fraîcheur d’un vin nouveau. Nous nous sommes séparés en nous disant combien nous comptions les uns pour les autres.

– Tu es toujours vivant ? m’a demandé ma femme quand je suis rentré.

C’est indiscutable.

Dernier jour

Clap de fin

C’est fini. Les rois, comme des Pharaons, ont été inhumés dans des sarcophages de carton et de toile, avec tous leurs sujets. Melissa et Denis ont démonté les pieds des tables avec la nostalgie des plagistes qui démontent les parasols à la fin de l’été. Le ballon de la partie historique, Lorioux contre filles de la buvette, a entamé son agonie d’étoile morte, sur une étagère.

C’est fini. Un Anglais a demandé un dernier Coca à Laure avec le même tremblement dans la voix que le petit garçon, la veille de l’entrée en sixième, qui dit au marchand de glace sur le promenoir de la plage à Biarritz : « S’il vous plaît je voudrais une glace ». Une Espagnole a demandé à Sébastien l’ultime ventrèche, avec la même boule dans la gorge. Emmeline a jeté dans la bassine bleue de la vaisselle le dernier verre consigné (enfin un panier réussi, bravo !)

C’est fini. Un duplicata de feuille de match, oublié, traînait sur le parking, un passant l’a ramassé, lu, comme on lit le testament d’un inconnu, puis coincé sous un essuie-glace, pour lui épargner l’infamie de la poubelle, pas tout de suite.

C’est fini. Devant la salle Ulli Senger, les conversations où l’on se rassemble ont été remplacées par les conversations où l’on s’en va. Bernard a déjà disparu, aspiré par le tournoi de Riscle. On parle de lui avec admiration, peut-être une pointe de jalousie. L’homme qui a, comme les marins, une Dame – blanche ou noire – dans chaque port.

C’est fini. Les dernières discussions s’épuisent, on ne parle plus de batailles terribles sur l’échiquier, quand les rois tombent comme John Wayne devant Fort Apache, les mains serrées sur les intestins, mais on parle des horaires des trains pour Nantes à la gare Saint-Jean. Hier encore, on hurlait : « Mais pourquoi je l’ai mis là, cette saleté de fou ? » Comme Napoléon hurlait à Sainte-Hélène : « Mais pourquoi j’ai fait confiance à Grouchy à Waterloo ? » Aujourd’hui, on cherche des gens pour covoiturer vers Mérignac, alors qu’hier encore, on cherchait des copains pour se raconter notre Guerre de Troie.

C’est fini. Wesley a oublié tout son rap. Quand il se croit seul, il fredonne une vieille chanson que Lucienne Delyle a chantée en 1955, sur la musique des Vacances de Monsieur Hulot : « Dans le vent de juillet, la mer effeuillait les vagues bleues des vacances, tadam ».

Mais ça va recommencer.

Déjà, les filles de la buvette ont pris date avec les Harlem Globe Pépères. En 2026, ça sera un autre match. Les vétérans, vous avez le temps de manger beaucoup de yaourts ! On prendra un ballon de filles, moins lourd, pas le gros truc qui a cassé le doigt d’Emmeline. Sur son étagère, le ballon ne disait rien, mais on voyait qu’il était content, l’étoile morte allait ressusciter, simplement la géante deviendrait naine.

Ça va recommencer. Sur le parking, comme à la fin du stage kayak à l’UCPA, des filles et des garçons ont échangé des adresses et des numéros de téléphone. Dans la salle, on a mis au point de savants échanges :
– Si tu viens au tournoi de Clermont, je t’héberge.
– Ouaip, mais il n’est pas impossible qu’on fasse un truc à Bayonne en Novembre.

Ça va recommencer. Nous boirons sous mon cerisier l’orangeade de l’Amitié. En attendant cette résurrection, nous préparerons ce printemps, nous lirons les mails des copains, nous entendrons la voix des amies et peut-être – un joueur d’échecs est toujours un peu passéiste – nous lirons leurs lettres.

À bientôt, les futurs Carlsen ! Mangez des pâtes !

Jean-Michel Labourdique

L’Échiquier de la Bastide

L’Échiquier de la Bastide

La bastide de Créon, déjà célèbre bien au-delà de nos frontières pour son prestigieux Tournoi International d’Échecs, ne devrait-elle pas devenir aussi un lieu vivant de pratique quotidienne du jeu en plein air ?
Dans une ville à l’identité forte, ancrée dans l’histoire des bastides, quel plus bel hommage à nos traditions et à notre art de vivre que de proposer des échiquiers en accès libre, au cœur de la cité ?
Sous les arcades, sur les places, les parvis ou encore dans les aires de jeux existantes, ces tables pourraient devenir des lieux de rencontres intergénérationnelles, de défis amicaux ou plus compétitifs, de détente conviviale et d’animation permanente du centre-ville.

Une image de synthèse pour espérer qu’une belle idée devienne réalité à Créon

D’ailleurs, le tout premier échiquier en plein air de Créon a vu le jour en 1985. Patrick Rollet, artiste céramiste local, a créé un espace de pyramides droites et inversées pour un échiquier original, traduisant ainsi la nouvelle architecture du collège et son apport précieux dans le développement du jeu et de la création du club.
Nous pourrions nous inspirer de cet acte créatif, le raviver, l’étendre pour faire de Créon une véritable bastide du jeu des échecs.

« L’Escaquèr de la Bastida contunha d’espelir. Vòstras idèas son planvengudas. »
Ces mots en occitan peuvent se traduire en français par :
« L’Échiquier de la Bastide continue de fleurir. Vos idées sont bienvenues. »

Si vous aussi, vous imaginez des tables d’échecs en plein air, partagez vos idées et vos lieux favoris pour les installer.

En attendant le grand échiquier de la Bastide… jouons sous les arcades !

En attendant la mise en place de tables de jeu en plein air, je vous propose une alternative simple et conviviale :
Un jeu d’échecs mobile, avec table et chaises, est dès à présent mis à disposition sous les arcades, au Spoon, grâce à l’aimable accueil de Thierry Latouche. Un grand merci à lui !
Et comme j’ai moi-même décidé de me remettre aux échecs – niveau débutant, donc pas de pression – je vous propose quelques créneaux pour jouer ensemble, échanger quelques conseils ou simplement partager un bon moment autour de l’échiquier.

La terrasse du Spoon, le lieu accueillant les amateurs du jeu d'échecs en plein air
Le Spoon vous accueille pour jouer aux échecs à l’ombre des arcades de Créon

Horaires de jeu possibles :
– Le matin de 10h à 12h, sauf le mercredi et le samedi
– L’après-midi de 16h à 18h, sauf le mercredi et le samedi
Pour proposer une partie, appelez le Spoon au 09 80 90 87 91 ou rendez-vous directement avec votre partenaire au Spoon.
À très bientôt pour une partie en toute simplicité !

La première partie d’échecs sous les arcades de Créon

Jeudi après midi, la magie a opéré : deux messieurs à l’allure de Dupond et Dupont, chapeaux de paille vissés sur la tête, moustaches blanches assorties et tenues légères, ont inauguré avec le sourire la première rencontre d’échecs en plein air.

Un échiquier, une table, deux chaises et deux amis des échecs sous les arcades de Créon
Jean-Pierre et Jean-Michel, lors de leur première partie, bien décidés à promouvoir les échecs en plein air au cœur de la bastide de Créon

On aurait dit qu’ils se connaissaient depuis toujours. Et pourtant, c’était une vraie rencontre, portée par le plaisir du jeu et la convivialité.
Un moment simple, chaleureux, de complicité et d’échange qui donne tout son sens à ce projet : faire des arcades un lieu de vie, de jeu, et de lien au cœur de notre bastide de Créon.

Jean-Pierre Liquet

Les Créonnais au 55e Championnat de Bordeaux

Les Créonnais au 55e Championnat de Bordeaux

Par Jean-Michel Labourdique

Jeudi 29 mai 2025

L’homme providentiel

C’était une belle nuit de Juillet. On donnait « Rigoletto » au festival d’opéra de Soustons. Après la représentation, je partageais une orangeade avec Rigoletto au bar de la salle de spectacles.

Jusqu’à mes 30 ans, je tenais l’opéra pour un truc de bourges, plutôt ridicule. Mais j’étais ingénieur de travaux publics, et on devait rénover les plafonds de l’opéra de Toulouse. Un beau matin, j’entre et je vois mes gars qui travaillent sans harnais de sécurité. Aussitôt, je pousse une gueulante de première, à faire trembler les vitres. Le directeur des chœurs de l’opéra de Toulouse passait à ce moment là :
– Quelle belle voix, a-il lancé.
Et voilà, j’avais mis les doigts, ou plutôt la langue, dans l’engrenage !
Un an après, je chantais Germon dans « la Traviata ».

Les échecs, c’est la même chose. Une rencontre humaine nous a jetés dans cette aventure magnifique. Pour Mathieu Cornette, champion de France, ce fut le directeur de son école primaire. Pour moi, ce furent Josiane Balbi et Yves Daudu qui, entre la plongée du matin et celle de l’après-midi, partageaient avec moi le seul échiquier de l’île Pomègue. Et, quand je croise Arthur en tournoi, comme aujourd’hui, je suis très flatté quand il me rappelle que le gars qui l’a confirmé dans sa vocation de joueur, c’est moi. J’avais alors superbement perdu ma partie devant le petit garçon qu’il était.

À la ronde 1, je n’ai eu que le temps de faire un signe amical à Arthur avant d’entamer une partie très disputée et mal finie. Non loin de moi, Ulysse a dû plier devant la Sicilienne du père de mon adversaire. Par contre, Maxime a fait fructifier ses deux pions d’avance, en échangeant intelligemment les pièces. Et Jean-Philippe, avec sa Dame et son Fou en batterie, a pu infliger le baiser de la mort au Roi adverse, prisonnier de son roque.

À la ronde 2, beaucoup ont perdu. Samuel, Jean-Philippe, Ulysse, moi… Mais, après un Gambit Dame refusé, Maxime a gagné et pris la tête du tournoi. Je suis allé fêter sa victoire au Bar des Citernes avec Wesley et nous avons bu une bonne orangeade. Wesley n’était pas venu jouer le matin pour, selon ses dires, « préserver une bonne qualité de sommeil ». E il débordait de vitalité.
– Joue simple, tu gagneras, a-t-il dit.
J’ai suivi son conseil à la ronde 3. Merci Wesley, tu avais raison.

Vendredi 30 mai 2025

Le Messerschmitt

C’était dans les années 80. Je fréquentais un club de plongée à Marseille.

– On va plonger sur l’épave du Messerschmitt, à -53 mètres, avait dit Michel. Ne faites pas les zozos avec les paliers de décompression !

Nous nous étions ennuyés comme des rats morts. À -53 mètres, la lumière du soleil n’arrive pas, et ce bout de ferraille guerrière baignait dans une vase privée de vie, à côté d’une bouteille de pastis. La remontée avait été interminable et soporifique.

Épave du Messerschmitt BF109 au large de l’Île du Planieren en Méditéranée

Pendant ce temps, les camarades restés en surface, en palmant simplement dans les calanques, avaient recensé par -30 centimètres des nudibranches magnifiques. Les nudibranches sont des starlettes multicolores et magnifiques de la mer !

Aux échecs, c’est la même chose. Le joueur peut suer sang et eau pour des résultats stériles. Et son camarade, à côté, verra un coup insouciant superbement récompensé.

Tel a été le cas ce matin. Maxime, après avoir dépensé des trésors d’ingéniosité, a dû se contenter d’une nulle qui n’a satisfait aucun des deux adversaires. Et, sur un autre échiquier, Samuel a joué avec le même bonheur jubilatoire et insouciant qu’un pâtissier qui fait une tarte aux pommes, et la victoire était au rendez-vous.

Samedi 31 mai 2025

Les Malvacées

Au XVIIIe siècle, le botaniste suédois Linné eut une idée originale : apparenter les plantes selon la ressemblance de leur système floral. C’est ainsi que le gigantesque baobab se retrouva proche parent de la petite fleur timide qu’est la mauve Et on est désormais obligé de les placer à la même table au repas de mariage de tatie Marie-José, la table de l’Ordre des Malvacées.

Aux échecs, c’est la même chose. On commence par une ouverture sanglante, votre adversaire joue un coup inattendu, et voilà obligé de transposer dans une ouverture pépère. La possibilité de cette transposition apparente alors deux ouvertures à priori aussi étrangères que la mauve et le baobab.

Les échecs, c’est la guerre, a-t-on dit. Eh bien, comme à l’armée, il est parfaitement possible de s’engager dans les commandos-marine, et de se retrouver le lendemain aux cuisines. Tout ça par la magie d’une transposition.

C’est ce qui m’est arrivé ce matin à la ronde 6. J’étais parti à l’abordage avec une Sicilienne. Mon adversaire m’a obligé à transposer. Je me suis alors retrouvé dans un truc gentillet qui ressemblait à une Anglaise, et il m’a eu à l’usure.

Pendant ce temps, Maxime gagnait grâce à une fourchette diabolique de son Cavalier. Samuel s’est magnifiquement battu avant de s’incliner. Wesley a gagné grâce à ce qu’il appelle « L’ouverture d’Emma », un Gambit Morra*, encore plus meurtrier que la « Pseudo-Rossolimo ». L’adversaire de Jean-Philippe a sacrifié une Tour dans un mouvement splendide qui a rendu toute défense impossible, mais Jean-Philippe a ferraillé jusqu’au bout.

L’après-midi, Wesley, après une méditation infructueuse de 25 minutes, a proposé la nulle, et l’a obtenue. Moi, j’ai conquis rapidement sur l’échiquier un empire immense, trop immense pour que je puisse le conserver. Et tout s’est effondré à la première contre-attaque. Samuel a gagné. Maxime a dû céder la qualité dès le début et sa défense s’est vite effritée. Ulysse et Jean-Philippe jouaient toujours quand je suis parti.

Dimanche 1er juin 2025

Juju

En 1955, Claude Lévi-Strauss termine son superbe livre Tristes Tropiques par une déclaration d’amour à son matou qui le regarde écrire. L’écrivain est heureux, « dans le clin d’oeil alourdi de patience, de sérénité et de pardon réciproque, qu’une entente involontaire permet parfois d’échanger avec un chat ».

« Regarde ton bureau… Quel bazar ! »

Ce soir, Juju, mon gouttière noir et blanc, me regarde refaire les parties de la veille, avec la même sérénité.
– 1.e4 b6 2.c4 Fb7 3.Cc3 e6 4.Cf3 Fb4. Le début est correct, hein, Juju ?
– Tu commences bien, mais après, ça part en sucette, répond Juju. Tu n’as pas de plan.
– Comment, pas de plan ? Je prends l’espace !
– Non, tu t’étales, tu en mets partout, c’est différent. Regarde ton bureau, c’est la même chose, quel bazar ! Et jouer 13.Cd1, c’est minable.

Les autres Créonnais ont-ils un Juju chez eux pour analyser leur partie, ou font-ils confiance à la bête informatique ? Je ne sais pas. Pour conclure, voici quelques mots sur la dernière journée.

À la ronde 8, l’adversaire de Maxime a abandonné une Tour pour gagner un Cavalier et deux pions… Match nul pour finir, mais quelle belle partie !
Ulysse s’est courageusement battu dans une finale de Tours et de pions pleine de panache. La victoire n’était malheureusement pas au rendez-vous.
Quant à moi, j’aurais dû me méfier du Corbeau qui m’a accueilli sur le parking, alors que d’habitude, sur les friches de la gare Saint-Jean, on ne voit jamais que des pigeons. Les messagers d’Odin sont rarement de bons présages. Après m’avoir hurlé un croassement indigné, il a pris son envol et m’a abandonné devant la salle de jeu où mon adversaire, très sympathique, m’a exécuté en peu de temps. Malgré son nom, K. Holin, ce n’était pas un géant aux pieds d’argile.

Après la ronde 9, c’est le moment de faire le bilan !

Wesley, Maxime et Jean-Philippe ont fait des parties magnifiques. Samuel et Ulysse ont encore montré leurs progrès, et on peut prévoir que bientôt ils battront leurs aînés.
Mais tous, par leur sportivité et leur bonne humeur, on fait honneur au Club de Créon.
Un grand merci à eux ! Et j’associe à ce merci tous les parents.

À bientôt, les futurs Carlsen ! Mangez des pâtes !

Jean-Michel Labourdique


55e Championnat de Bordeaux organisé par Bordeaux ASPOM Échecs du jeudi 29 mai au dimanche 1er juin 2025.

Fiche du tournoiClassementGrille américaine


(*) Le Gambit Morra ou Gambit Smith-Morra est le nom d’une ouverture aux échecs. C’est un gambit des Blancs contre la Défense Sicilienne. Il s’obtient après les coups 1.e4 c5 2.d4 cxd4 3.c3. Cependant, on considère également que les coups 1.e4 c5 2.d4 cxd4, quel que soit le troisième coup joué, constitue déjà le Gambit Morra. Cette ouverture tient son nom des joueurs français Pierre Morra et américain Ken Smith. Les Blancs sacrifient un pion pour obtenir une avance de développement et de bonnes chances d’attaque. La compensation obtenue par les Blancs pour le pion d est le développement d’une pièce supplémentaire et d’un pion central après 4.Cxc3. Quant aux Noirs, ils bénéficient d’un avantage matériel et d’une majorité centrale. L’idée pour les Blancs est ensuite de placer leur Fou de cases blanches en c4 pour attaquer la case f7 naturellement faible. Puis ils tenteront de contrôler les colonnes c et d avec leur paire de Tours en tirant avantage de la difficulté des Noirs à trouver une bonne case pour leur Dame.


Les Créonnais au Tournoi de Marmande

Les Créonnais au Tournoi de Marmande

Par Jean-Michel Labourdique

– Pourquoi tu ne mets pas le GPS ? a dit Eliote depuis le siège arrière.
– J’ai horreur qu’on me dicte ma conduite, ai-je répondu. Par contre, lire une carte, c’est tout de suite l’aventure. Tu as trouvé Fourques-sur-Garonne, Leo ?
– Non, a dit mon copilote, empêtré dans les kilomètres-carrés du « Gironde-Lot-et-Garonne » de Michelin, imprudemment dépliés.
– La carte, ai-je dit, foisonne d’informations passionnantes. On peut même y trouver la déclinaison, l’angle qui différencie le nord magnétique du nord géographique. C’est très utile aux marins.
– Pourquoi un navire viendrait-il dans le Lot-et-Garonne ? a dit l’un d’entre nous. Néanmoins, Leo a abandonné la recherche de Fourques pour la recherche de la déclinaison. Nous sommes cependant arrivés à l’heure à Fourques pour un tournoi magnifique.

De leur côté, les passagers du vaisseau spatial hyperconnecté de Pierre sont également arrivés dans les temps. Ainsi que les passagers de la voiture de Wesley, unanimement écœurés par le rap français aux paroles incompréhensibles qui fascine notre président.

Treize !

En comptant l’arbitre, notre copain Fred, nous étions treize ! Mais, sans faute d’orthographe, nous étions également neufs, car la fraternité magique des échecs nous rajeunissait. Et chaque ancien se sentait aussi adolescent que les collégiens qu’il accompagnait.

À la ronde 1, la dernière partie à finir fut celle de Maxime et Leo, avec un combat final d’une Dame contre deux Tours. La victoire revint à Maxime.

À la ronde 2, Emma a clôturé sa Sicilienne par une traque du Roi blanc qui s’est achevée par la mort du monarque au centre de l’échiquier. Pendant ce temps, Maxime, tout en exécutant Pierre, notait tranquillement ses coups, en partie rapide ! Gauthier, de son côté, a joué la variante Tarrasch de la Française, qui lui a donné la victoire.

À la ronde 3, Eliote a obtenu la nulle après une jolie Est-Indienne. Nulle aussi pour Wesley, face à Jean-Philippe, par triple répétition de la position.

À la pause de midi, Wesley a dit « trop de pâté tue le pâté », en mordant dans son sandwich. Emma a fait l’éloge des bergers australiens. Leo a prêté sa béquille pour récupérer le frisbee qui était sur le toit.

À la ronde 4, Leo a battu Luther en finale. Un petit pion de plus a fait la différence. Emma a placé un magnifique Cavalier-pieuvre en e4. Gauthier a accepté le gambit sur une Viennoise : Victoire !

À la ronde 5, Maxime a bien maîtrisé des échanges qui lui ont permis d’aborder la finale avec des pions invincibles.

Après la ronde 6, nous nous sommes tous regroupés au bord du canal latéral à la Garonne, où nous avons vu passer une énorme péniche, qui justifiait à elle seule l’existence de la déclinaison sur la carte du Lot-et-Garonne.

– C’est beau, l’eau qui coule, a dit Wesley, qui avait absolument besoin de faire le vide.

Retenons, à la ronde 7, la belle victoire de Luther, le roi de la fourchette, face à Eliote.

Le bilan

Wesley, vainqueur du tournoi !
Maxime, qui a battu de gros Elos, médaille de bronze !
Emma, meilleure féminine !

Quelques Créonnais heureux de leur journée !

Gauthier, pour terminer, a fait un bilan personnel que nous pouvons tous adopter, je crois : « Je suis déçu et content. Déçu par mes étourderies, content de mes belles parties ! » Il a raison.

À bientôt, les futurs Carlsen !Mangez des pâtes !

Quelques Créonnais heureux de leur journée !

Jean-Michel Labourdique

3e Rapide de l’Échiquier Marmandais – Dimanche 18 mai 2025

Fiche du tournoiClassementGrille américaine

Le « Je » de la Dame

Le « Je » de la Dame

– Sacré tournoi, commenta Denis, en revenant au parking après la remise des prix.

– Ouaip, répondit laconiquement Laurent, dit « la Gattègne ».

Mes deux copains de l’Aviron Bayonnais, que j’héberge pendant l’Open de Saint-Macaire, ont raison. Sacré tournoi. Certainement le seul en France, où l’organisateur, notre ami Tristan, prend le temps entre deux rondes d’improviser, pour les joueurs d’échecs amoureux d’histoire et de géographie, la visite pédestre de sa petite ville magnifique. Le seul en France où les joueurs peuvent se régaler à la buvette des fameuses « tartes aux pommes ». Le seul enfin où les toilettes sont si rares, mais l’ambiance si cordiale, qu’on devise chaleureusement en faisant la queue, comme des supporters de rugby au guichet du stade… Bernard Dubertrand, de l’Échiquier Montois, a mis 46 minutes pour parcourir les deux étages qui mènent à la salle de jeu. À part quelques exceptions, les joueurs d’ échecs sont des orateurs, et chaque marche d’escalier leur est une tribune.

Je ne veux pas distinguer, au dernier soir de ces trois jours de compétition, qui furent les gagnants et les perdants. Tout le monde a gagné, car tout le monde a participé à cette belle fête de l’amitié. D’abord tous les joueurs copains du club : Loïc, Wesley, Fabrice, Maxime, Jean-Philippe, Quentin, Luther, Sylvain et Samuel, ainsi que leurs parents. Et tous ceux que la fraternité du sport nous a permis de connaître, telle Marie-Angélique Roselle, et tous ceux qui viendront jouer bientôt en compétition, tel Roger qui est venu à la remise des prix ! Et tous ceux qui auraient dû être là , comme Emma, mais on lui pardonne car le basket aussi est un sport magnifique.

En conclusion, je conterai une anecdote de ma jeunesse. Ma bande de copains avait proposé au patron du « Koskera », pendant les fêtes de Bayonne, de l’aider à monter sa terrasse. Le parasol gigantesque dont s’occupait Gilles s’était effondré dans une avalanche de vaisselle et de vin rouge. « Je suis désolé, je ne suis pas un manuel », avait dit Gilles debout au milieu du désastre, avec le ton que John Wayne utilise quand il affirme à Lee Marvin : « c’était mon steak, Valance ».

Un long silence se fit. Puis le patron, une louche de haricots tarbais à la main, répondit à Gilles : « Comme tu n’as pas une tête d’intellectuel, je me demande qui tu es ! ».

Il mettait le doigt sur une question primordiale, qui taraude l’humanité depuis la grotte de Lascaux. Qui suis-je ?

C’est la question que Beth Harmon, une ex-petite fille jetée dans un orphelinat par le hasard d’un accident de la route, essaie de résoudre grâce au jeu d’échecs, ce jeu où le hasard n’intervient pas.
Le « Je » de la Dame.
Et nous, futurs Carlsen, comme la championne du célèbre roman de Tavis, avec beaucoup d’amitié et de gaieté, nous nous tenons debout dans un monde de parasols effondrés.

À la question « Qui suis-je ? », nous savons quoi répondre : Nous sommes les meilleurs copains du monde.

À bientôt, les futurs Carlsen ! Mangez des pâtes !

Jean-Michel Labourdique

Open de Pâques de Saint-Macaire, du 19 au 21 avril 2025

Fiche du tournoiClassement

Soyons Rugby !

Soyons Rugby !

« Quand l’équipe de Perpignan
S’en va jouer à Montauban
Elle l’emporte c’est évident
Sur l’équipe de Montauban… »

Cette merveilleuse chanson des Frères Jacques peut être comprise comme une joyeuse ballade bien anodine. Elle peut être aussi entendue comme un hymne à la fraternité du sport qui tisse, à travers tous les Perpignan et les Montauban du monde, les liens de l’amitié.

Hier, nous rencontrions nos amis de Tresses, nos Perpignanais à nous et, comme le disait Corneille dans Horace, nous ne sommes qu’un sang et qu’un peuple en deux villes. Le peuple des pousseurs de bois ! Mais, copains ou pas, ça allait barder !

Aux échiquier 1 et 2, José et Jean-Guy ont terrassé Jean-Luc et Clément. Aux échiquiers 3 et 4, en compagnie de Samuel, je m’inclinais devant Victor et Octave. Faute de joueur disponible, notre échiquier 5 est resté vide. Mais ce furent quatre belles parties !

En guise de conclusion à cette saison, je proposerai au lecteur une anecdote de ma jeunesse.

Un soir d’été caniculaire, dans une pampa surchauffée, une troupe de théâtre donnait Macbeth en plein air.

L’orage, dantesque, éclata au moment où l’usurpateur, abandonné de tous, entamait son duel contre le prince d’Écosse. Les acteurs, héroïques, voulurent finir la pièce au milieu des éclairs qui pulvérisaient la sono. Alors les spectateurs décidèrent de ne pas laisser les comédiens seuls, et restèrent en tongs au milieu des flaques d’eau et des gigawatt-heures qui dégringolaient du ciel.

Quand Jupiter alla se faire entendre ailleurs, nous nous rassemblâmes. Tous les yeux étaient mouillés, pas seulement à cause du déluge, et personne n’était capable de faire des phrases trop longues.

– Vous avez Dieu comme metteur en scène, dit mon collègue Pascal.
– Ouaip, sans doute, répondit Macbeth en allumant une cigarette.
– C’est comme ça, résuma pensivement un garde du château.
– Vous nous offrez un café ? demandais-je.
– La cafetière a disjoncté, comme tout le reste, a dit Lady Macbeth dans le noir. Mais il doit rester de l’orangeade au bar.

Cette orangeade partagée dans une obscurité totale fut aussi euphorisante qu’un alcool fort.

Je ressens aujourd’hui, à la fin de cette longue saison de compétition interclubs en division Régionale, la même euphorie. Je suis attablé derrière la même orangeade, et je repense à toutes nos parties, aussi terrorisantes que les sorcières des landes d’Écosse, mais toutes exaltantes. Merci aux joueurs, si talentueux et sympathiques, et surtout, merci aux parents pour leur gentillesse et leur énergie !

À bientôt, les futurs Carlsen ! Mangez des pâtes !

Jean-Michel Labourdique
Capitaine de l’équipe Échiquier Créonnais 5

Rencontre du 30/03/2025, Nouvelle-Aquitaine Régionale 1, Groupe 7 :
Échiquier Créonnais 5 – Échiquier Tressois 4 : 2-3

Classement final du Groupe 6

Classement final du Groupe 7