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Category: Tournois divers

Le Tournoi, jour après jour, raconté par Jean-Michel

Le Tournoi, jour après jour, raconté par Jean-Michel

Les tautaulogues

Vendredi 26 juillet 2024

La tautologie est une figure de rhétorique, qui définit un être ou une chose par son nom.
Mon sergent au 4ème RIMA de Fréjus faisait de la tautologie :

– Quand tu es dans l’infanterie de Marine, disait-il, tu es dans l’infanterie de Marine.

La plupart du temps, la tautologie, c’est bête comme la mort. « Stat rosa pristine nomine, nomina nuda tenemus ». On croit que c’est malin parce que c’est dit en latin, mais c’est bête comme la mort. On appelle une rose une rose parce que c’est une rose.

Hier nous placions les 398 tapis de sol pour le Grand Tournoi, activité éreintante et débilitante, mais bonne pour le coeur, le souffle et l’esprit d’équipe. À cette occasion, j’ai vécu un grand moment de tautologie.

– Quand c’est fini, c’est fini, a dit Wesley, en débouchant une bière sans alcool avec les dents.

– Salut les poteaux, a dit Sylvain en arrivant, l’heure c’est l’heure.

– Le boulot, c’est le boulot, ai-je dit d’un air sévère, en indiquant un tapis qui déparait l’harmonie des 397 autres tapis.

– Un petit décalage, ce n’est qu’un petit décalage, a dit Erwan, l’air innocent.

– Quand j’ai dit non, c’est non, ai-je répondu, en rappelant que j’étais le capitaine de la division Régionale, et que le capitaine c’est le capitaine.

À ce moment, Luther a haussé les épaules, et Erwan et Fabrice ont entamé une discussion pas du tout tautologue sur les 380 V de la salle, qui permettaient de facturer moins d’ampérage mais laissait EDF se rattraper sur le tarif de l’abonnement. Je suis sorti avec un gros mal de tête.

Dehors, deux joueurs d’échecs analysaient une partie, vite fait :

– Quand ton Roi est à l’abri, disait l’un, ton Roi est à l’abri.

De la Tautologie ! Je suis donc resté !

Coplas a la Muerte de su Padre

Samedi 27 juillet

Quelques vers de ce très vieux poème de Jorge Manrique, que Paco Ibanez a mis en musique cinq siècles plus tard, pourraient illustrer la déconfiture de quelques attaques mal construites.

No mirando a nuestro dano
Corremos a rienda suelta
Sin parar.
Desde que vemos el engano
Y queremos dar la vuelta
No hay lugar.

Sans penser aux conséquences, sans jamais ralentir, nous courrons à bride abattue. Quand nous apercevons le piège et que nous voulons faire demi-tour, c’est impossible.

Donc – c’est inattendu – Pierre Southichay a réussi à désamorcer l’attaque de notre ami Loïc Travadon lors de la traditionnelle partie d’échecs simultanée qui précède le tournoi international. Loïc, comme le prévoyait Jorge Manrique cinq siècles et demi auparavant, n’a pas réussi à faire demi-tour à temps. Il a sacrifié sa Dame pour un bénéfice nul, et Pierre a arraché le Roi blanc à sa résidence d’été comme un torero arrache à sa querencia un taureau difficile.

– La chance du débutant, a dit Pierre, ébahi de sa réussite.

Non, non, Pierre ! Aux échecs, la chance n’intervient pas, sauf si un astéroïde pulvérise la salle de jeux.

Il grandira, car il est espagnol

Dimanche 28 juillet

L’opéra regorge de sophismes, ces raisonnements fantaisistes qui aboutissent à des conclusions absurdes.
Le Professeur Dulcamara, un charlatan, déclare dans L’Elixir d’Amour de Gaetano Donizetti :
– Regardez tous ces gens qui m’aiment, c’est bien la preuve que mon médicament est bon.
– Tu m’aimes, hurle Donna Anna à son amant un peu dépassé, alors tu veux la même chose que moi (la mort de Don Juan).
Mais le plus beau sophisme se trouve dans La Périchole, peut-être la meilleure œuvre de Jacques Offenbach :
– Il grandira, car il est espagnol.

Je fredonnais ça in petto, la veille du tournoi, en m’entraînant à la Partie Espagnole, inventée au XVIème siècle par Ruy Lopez, un moine dominicain qui hantait la Cour de Philippe II :
– Elle grandira, mon offensive, car elle est espagnole, tadam tadadam…

Comme de nombreux de joueurs, j’ai le plaisir et l’honneur d’héberger d’autres participants pendant cette grande compétition d’échecs. À cette occasion, chacun peaufine ses ouvertures, comme les copains de Sean Connery, dans Les Incorruptibles, graissent leurs revolvers avant leur rendez-vous avec Al Capone.

Ce soir-là, c’est André-Paul de l’Échiquier Clermontois qui me donne la réplique.
André-Paul joue la Caro-Kann ou le Système de Londres. Il ne me l’a pas dit, mais je pense qu’il tient l’Espagnole pour un vieux tromblon inventé au temps de l’Invincible Armada, une pièce de musée incapable de donner la victoire sur un champ de bataille du XXIème siècle, surtout quand c’est un vétéran qui a joué 1.c4 toute sa vie qui essaie d’actionner cette arme antédiluvienne.

Il n’a peut-être pas tort. Les Espagnoles que j’ai jouées ce soir-là ont accouché de structures de pions hideuses, des petits monstres de Frankenstein émancipés de leur créateur, et perdus sur l’échiquier.

Pas grave ! Je jouerai l’Espagnole !

– À nous deux, Ruy Lopez !

Demandez tout pour ne rien obtenir

Lundi 29 juillet

C’est le conseil de Pylade à Oreste dans Andromaque. Il est valable aussi aux échecs. Quand on attaque à tout va dans tout les coins de l’échiquier, le résultat peut la plupart du temps être mesuré par un nombre voisin de zéro.

Andromaque est d’ailleurs une parabole du jeu d’échecs. Personne n’aime Oreste, qui aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui aime le fantôme d’Hector. Cette poursuite infernale finit dans un bain de sang, comme aux échecs, où les embrassades et les corps à corps des pièces se résolvent dans le meurtre du Roi.

Aujourd’hui, l’esprit du théâtre et de la tragédie soufflait sur Créon. Pas seulement parce que, comme dans Macbeth, beaucoup de dames hagardes cherchaient désespérément un endroit où se laver les mains (toilettes trop rares).

Au débriefing, le soir, chez moi, où de bons camarades me font l’honneur d’accepter mon hospitalité, les discussions étaient animées. Chacun expliquait sa défaite.

Titouan, d’accord avec Pylade, accusait une gourmandise fatale, qui l’avait conduit à se gaver de pions inutiles.

Denis accusait tout simplement un coup de paresse gigantesque, qui l’avait foudroyé et rendu malléable à la défaite.

Yann disait simplement que la chaleur caniculaire avait consumé toutes les petites cellules cérébrales qui permettent, chez l’être humain, de concevoir que un et un font deux. Et il émettait de sérieux doutes sur la nature terrestre des vainqueurs à la fin de cette journée, véritablement inhumaine, mais inoubliable pour le chiffre d’affaires réalisé à la buvette grâce au rosé bien frais.

André-Paul, fidèle aux valeurs de l’Auvergne, s’est montré avare d’explications.

Quant à moi, j’ai bien négocié une Française Variante d’échange jusqu’au 40ème coup. Mais ensuite, Leo m’a bien montré que, comme dans Le Cid, la valeur n’attend pas le nombre des années. Et Don Diègue a gentiment liquidé Don Gormas – un Don Gormas déjà à moitié liquéfié par le plomb fondu qui tombait du ciel.

I’ve got my fingers crossed

Mardi 30 juillet

C’est le titre d’une chanson de variétés aux paroles plutôt stupides, écrite aux USA pendant la Grande Dépression. En 1939, le pianiste de jazz Fats Waller s’en empare et en fait un chef-d’œuvre.

C’est un peu le sort de mes parties. Elles regorgent de coups imprécis (pour les meilleures) et de grosses gaffes (pour les pires). Mais, au moment de l’analyse, un copain au gros Elo s’en empare à la façon de Fats Waller.

– Là, tu vois, me dit-il, tu n’as pas pris, et ne pas prendre, c’est très aventureux.
(Je ne suis plus un gros gaffeur, mais un aventurier, Magellan qui essaie sans carte de trouver un passage vers le Pacifique !)
Il continue :
– Là, tu t’es lancé dans une offensive dangereuse sans possibilité de replier tes pièces lourdes.
(Comme Cortés ! Cortés qui brûle ses vaisseaux sur les plages mexicaines pour s’obliger à conquérir le Mexique !).
Il conclut :
– Et là, tu t’es obstiné à passer par le centre alors que la solution était aux ailes.
(Comme Napoléon, qui a jeté toute sa Cavalerie à Waterloo sur les carrés de Wellington !)

Un long silence se fait. Par contre, signale le copain, si tu avais joué 18.Dh5, ça aurait été vraiment génial.

Vous avez compris, les futurs Carlsen ? La prochaine fois, jouez 18.Dh5, c’est génial.

Bon, pour revenir à ce mardi 30 juillet, il n’y a a eu que des choses positives :
Denis a trouvé que j’avais VRAIMENT fait une partie correcte.
Maxime a gagné le matin grâce à une superbe structure de pions
Luther a gagné le matin grâce à deux Cavaliers de feu.
Et l’après-midi, grâce à un miracle (selon lui), Bernard m’a pardonné d’avoir cafté à l’arbitre, je n’ai perdu aucun joueur malais pendant que Denis n’égarait aucun joueur indien… Le bonheur !

Un grand merci aux filles de la buvette, aux sourires toujours aussi étincelants, malgré les 4568°C du thermomètre !

The happiest the cow, the better the milk

Jeudi 1er août

Plus la vache est heureuse, meilleur est son lait. C’est ce qui est écrit, au Pays de Galles, sur les emballages de lait concentré sucré.

Et plus le joueur d’échecs est bien dans sa peau, meilleure est son Espagnole. Je sortais guilleret de la salle de jeux en chantonnant in petto « Elle a grandi mon offensive, tadam tadadam ! », quand je croisai José, aussi gai que moi.

– Je cherche Bernard pour qu’on analyse mon triomphe,dit-il,tout sourire.

Nous nous aperçûmes que Bernard était mêlé à une discussion animée avec le Président de la Ligue, discussion qu’il était hors de question d’interrompre. Nous décidâmes alors de demander son analyse à Denis.

– Pas de problème, dit-il, mais je vais d’abord voir où en sont mes Indiens, puisque je suis devenu leur chauffeur de taxi inamovible.

Nous vîmes alors que le Président de la Ligue marchait esseulé, et nous repensâmes à la solution Bernard. Mais celui-ci, cramponné à la buvette, tenait à Arnaud des propos incompréhensibles sur les bienfaits du vin rosé et les méfaits de la délation.

Mais Denis était revenu de son voyage en Inde ! Seulement voilà : José, captivé, était désormais indéboulonnable de l’écran géant qui retransmettait les Jeux Olympiques, où un sport bizarre à base de vélo le fascinait.

Je pensai aux fêtes de Bayonne de ma jeunesse. Régulièrement, nous déjeunions le vendredi midi au bar-restaurant Sainte-Cluque, à côté de la gare, dans le quartier Saint-Esprit. Parmi nous, une grande quantité d’arbitres de rugby, donc normalement, des gens disciplinés, et pourtant !
Juste avant de passer à table, Gilles Peynoche, futur Président de l’ASB, disait :
– Et cette année, ne vous comportez pas comme l’année dernière, à 16 heures, je vous veux tous place Saint-André aux courses de vaches !
Et, régulièrement, après avoir mangé, nous nous égrenions sur le pont Saint-Esprit ou dans la rue Bourgneuf, où nous croisions tant de copains, d’amies ou d’inconnus. Jamais au cours des ans, nous n’atteignîmes la place Saint-André.

Revenons au présent. En ce 1er août inoubliable, la tente tenant lieu de salle d’analyse fut hors d’atteinte, autant que la place Saint-André l’était au temps de ma jeunesse.

– Donc, l’essentiel, les gars, ai-je dit à l’heure du petit-déjeuner le lendemain de ces parties qui ne seront jamais analysées, l’essentiel n’est plus de gagner le match. C’est d’arriver à en parler avec quelqu’un.

Ça va rater !

Vendredi 2 août

1964. La télévision, en noir et blanc, n’a qu’une chaîne. Moi, j’ai 8 ans, et je regarde fasciné Les Aventures de Zorro. Régulièrement, le sergent Garcia expose à son subordonné son dernier plan pour capturer le justicier masqué.
– Ça va rater, Sergent, répond le caporal Reyes.

1967. J’entre en 6ème, on m’y fait lire l’Iliade. Je reviendrai de Troie couvert de gloire, mère, déclare Achille.
– Ça va rater, fiston, répond Thétis, qui sait confusément qu’elle a oublié quelque chose de capital, le jour du baptême du gamin.

1969. Je découvre avec un bonheur ineffable l’existence du journal Pilote et du vizir Iznogoud, obsédé par son plan génial pour débarquer le calife qu’il veut remplacer.
– Ça va rater, patron, répond invariablement son fidèle homme de main, Dilat Larat.

Donc, toute ma jeunesse, j’ai été éduqué à la méfiance et au pessimisme. Certains, des intellos, ont été biberonnés à l’optimisme dès l’adolescence, avec comme parrains Leibniz, Kant et Spinoza. Moi, les fées qui se sont penchées sur mon berceau sont, plus modestement, Dilat Larat, Thétis et le caporal Reyes.

Ce vendredi, cette sinistre fatalité semblait accompagner mon Anglaise. Est-ce que ça allait rater ?
Match nul ! Comme beaucoup d’autres joueurs, bizarrement, ce jour-là !

Maylis était heureuse de son match nul, qui concluait heureusement une Sicilienne où elle s’était lancée avec beaucoup d’insouciance.

Aurora, au contraire, en était mécontente, car cette nullité saccageait les espérances qu’elle avait mises dans une variante de l’Écossaise absolument diabolique.

Pour Maxime aussi c’était clairement un échec, mais Maxime aime par-dessus tout, je crois, les belles parties bien menées avec un résultat clair, et il n’a sans doute pas tort.

Quant à moi, j’ai imposé à mon adversaire un jeu plus fermé que les caves de la Banque de France. Ce ne fut pas Waterloo, aurait dit Jacques Brel, mais ce ne fut pas Arcole.

Comme une apothéose

Samedi 3 et dimanche 4 août

L’odeur de café et de pain grillé emplissait la cuisine. C’était l’aube, l’heure des conversions et des grandes résolutions.

– Dès aujourd’hui, je jouerai positionnel, annonça Denis d’une voix grave. Mais il faut que je fabrique du Vauban, et pas de ligne Maginot. Plus d’épopée, de la forteresse, mais de la forteresse de qualité : d4. Et puis après ? Le Système de Londres !

– Et si tu as les Noirs ?

– La Hollandaise ! Stonewall ! Le Mur de Pierres !

En écoutant Denis, j’exultais. J’avais enfin converti quelqu’un à ma mentalité pantouflarde de conquistador retraité.
Le Bertrand Du Guesclin de l’Aviron Bayonnais était devenu un paisible sédentaire. Mon chat Juju, rassuré par cette conversion, vint se vautrer sur les genoux du guerrier assagi.

Cet après-midi-là, Denis tint sa promesse et joua positionnel. Mais jouer positionnel face à un as de la Caro-Kann comme Olivier équivaut à attaquer un tigre avec un lance-pierre.

Il me fut bien difficile de distinguer, dans les « abrazos » au comptoir de la buvette, qui avait gagné et qui avait perdu. Je pensai aux articles de l’Équipe d’Antoine Blondin, qui affirmait que, même avec une bonne vue, les verres de contact étaient indissociables du sport, spécialement au comptoir du bar à côté du stade.

C’est valable aussi pour les échecs. Qu’importe le résultat, pourvu que nous puissions faire la connaissance de personnes de qualité, amoureuses de la jeunesse éternelle procurée par ce sport merveilleux.

Wesley ne m’en voudra pas si je conclus en disant que le plus beau trophée que nous emportons ne fait pas partie des belles coupes de bronze qu’il a commandées. C’est le souvenir du sourire et de la gentillesse des filles de la buvette. Bravo à elles !

À bientôt les futurs Carlsen ! Mangez des pâtes !

Jean-Michel Labourdique

Partie d’Échecs Simultanée – Créon 2024

Partie d’Échecs Simultanée – Créon 2024

Les Échecs s’invitent à « La Piste sous les Étoiles »

C’est désormais une tradition établie depuis de nombreuses années par l’Échiquier Club Créonnais. Deux jours avant l’ouverture du grand Tournoi International d’Échecs de Créon, les échecs s’invitent à la fête musicale et gastronomique « La Piste sous les Étoiles » qui a lieu tous les étés à Créon, sur la piste cyclable Roger Lapébie.

Une étoile pour la Partie d’Échecs Simultanée : le MI Loïc Travadon

Une nouvelle fois, ce samedi 27 juillet 2024, une étoile des échecs français, le Maître International Loïc Travadon est venu se joindre à la fête. Il est a noter au passage qu’il venait d’être propulsé dans le champ médiatique après avoir été l’un des porteur de la flamme olympique des jeux de Paris 2024.

La Partie Simultanée organisée par l’Échiquier Club Créonnais a permis aux jeunes joueurs d’échecs du Créonnais, mais aussi aux élus et aux partenaires du tournoi international, ainsi qu’aux membres et sympathisants du club qui le souhaitaient, de défier le champion français, classé 1458 Elo.
Mais autant dire qu’avec un tel classement, il était difficile pour les jeunes participants ou les joueurs amateurs d’espérer battre Loïc Travadon.

Le coup d’envoi est donné

Vers 19h30, Wesley Lauron, président de l’Échiquier Club Créonnais et organisateur du tournoi international, donne le coup d’envoi.

Respectant l’usage, Loïc Travadon serre alors la main de son premier adversaire pour lui souhaiter une bonne partie. Puis, il joue son premier coup avec les pièces blanches et passe devant l’échiquier suivant pour faire de même.

Pour tous, le but est alors de jouer une belle partie, de résister le plus longtemps possible, de s’amuser et de garder un bon souvenir d’une partie exceptionnelle.

Chaque joueur dispose de plusieurs minutes pour réfléchir à son coup suivant. Car il faut attendre que le multiple champion de France Jeunes finisse de faire le tour des 14 autres adversaires avant qu’il ne revienne face à lui. En revanche, il ne suffit que de quelques secondes à Loïc Travadon pour évaluer la position des pièces sur l’échiquier et jouer son meilleur coup, avant de passer à l’adversaire suivant !

Mais un coup de champion est-il toujours le meilleur ?

Peu à peu les premières parties s’achèvent. Et Loïc Travadon enchaîne logiquement les victoires.

Mais, face à Pierre Southichay, qui a rejoint l’Échiquier Club Créonnais au début de cette saison, Loïc Travadon sacrifie soudain sa Dame dans une position de jeu compliquée. Ce coup spectaculaire intrigue les spectateurs, soudain très intéressés par la suite de la partie. Pierre, se méfiant d’un piège et d’une défaite proche, réfléchit longuement. Il garde son sang-froid et calcule soigneusement toutes les lignes possibles. Il finit par se rendre compte que le sacrifice est une énorme erreur du champion et finit par emporter la partie.
Cela nous enseigne que tout champion peut avoir de temps à autre une défaillance, surtout dans de telles conditions de jeu.

Pierre Southichay est alors félicité par Loïc Travadon et l’ensemble des joueurs qui s’étaient attroupés autour de l’échiquier.

La coupe du vainqueur est ensuite remise au héros du jour par Stéphane Sanchis, 2e Adjoint au Maire de Créon.

Stéphane Sanchis, Wesley Lauron, et Loïc Travadon ont félicité Pierre Southichay

Pour tous les jeunes joueurs inscrits au 28e Tournoi International d’Échecs de Créon qui a débuté lundi 29 juillet 2024, ce fut une belle partie d’entraînement !

Remerciements

L’Échiquier Club Créonnais remercie l’ensemble des participants ainsi que ses partenaires et tout particulièrement la Mairie de Créon qui a permis d’inviter Loïc Travadon pour ce bel événement.

Jean-Étienne Haeuser


Le 28e Tournoi International d’Échecs de Créon 2024

Les partenaires du 28e Tournoi International d’Échecs de Créon 2024


Le Désert des Tartares

Le Désert des Tartares

Dans Le Désert des Tartares, cette merveilleuse nouvelle de Dino Buzzatti, le lieutenant Drogo gaspille sa vie dans un avant-poste perdu du désert, attendant désespérément de combattre des hordes nomades qui n’arrivent jamais.

Tel fut le sort de mon Cavalier, rare survivant d’une Sicilienne Rossolimo, surveillant inutile d’un espace aride. Par contre, le Fou indétrônable de mon adversaire a profité de son avant-poste à lui pour contrôler tout l’échiquier. « Caramba, encore raté ! »

Nénègle à la Montagne

Le petit roman illustré de Benoît Charlat Nénègle à la Montagne, publié aux Éditions des Loisirs, comporte des pages cartonnées pour que les lecteurs de deux ou trois ans puissent mâchouiller le livre sans l’abîmer. Nénègle est un aiglon encombré de son doudou et de son cartable, et il veut devenir un Aigle ! Alors Nénègle se lance du haut des Grandes Jorasses ! Mais Nénègle va mourir, car il serre contre lui doudou et cartable, et il tombe comme une pierre. Quand Nénègle se résout à bazarder tout ce fatras, Nénègle peut voler, c’est un Aigle !

C’est la leçon du gambit aux échecs : plus on se dépouille, plus on s’enrichit. Faustin l’a bien compris, lui qui a proposé dès le troisième coup à son adversaire un pion de l’aile pour écarter un pion du centre. Mais l’adversaire avait lui aussi lu Nénègle à la Montagne quand il était petit : gambit refusé. Victoire cependant de Faustin, après une finale haletante.

L’adversaire de Luther avait lui aussi lu les aventures de Nénègle, et proposé un gambit, refusé lui aussi, car Luther et Faustin ont lu les mêmes livres quand ils étaient petits. Victoire de Luther.

À bientôt les futurs Carlsen ! Mangez des pâtes !

Jean-Michel Labourdique

Tournoi fermé Créon B – Ronde 5 – 11 juillet 2024

Fiche du tournoi RésultatsGrille Berger


La vipère

La vipère

– Jean, surtout ne bouge pas ! Il y a une grosse vipère à cinq centimètres de ta main droite.

C’était il y a 25 ans. Nous étions jeunes, en vacances, dans le massif de l’Ossau, et surtout très embêtés à cause de ce reptile.

– Il faudrait la tuer avec un bâton de marche, a dit Thierry, pensif, mais si je rate mon coup, ça risque de tourner au vinaigre.

– C’est une Vipère de Séoane, j’ai dit, c’est une espèce en voie de disparition.

– Si vous ne trouvez pas rapidement une solution, les gars, a dit Jean, de plus en plus angoissé, l’espèce en voie de disparition, ça sera moi !

Nous avons commencé alors une longue conversation pour décider ce qu’il convenait de faire si le serpent mordait Jean. Au bout d’un moment, nous nous aperçûmes que la vipère, sans doute écœurée par ces palabres, avait disparu. Comme le disait Henri Queuille, Président du Conseil au temps de la IVème République, il n’y a pas de problème qu’une absence de solution ne finisse par régler.

Aux échecs, ça ne marche pas. Il faut trouver une solution, et vite. Si vous ne colmatez pas les brèches dans la coque du Titanic, le Titanic coule.

Pendant presque toute la partie du matin, contre Luther, mon problème, insoluble, a été le manque d’abri sûr pour mon Roi, et mes deux pions d’avance n’ont servi à rien. Victoire de Luther. Bravo à lui. Pendant ce temps, Faustin réalisait une belle partie, avec d’entrée les deux Fous en fianchetto.

L’après-midi, Luther a affronté une Défense Française, sans succès. Et moi – quel inconscient ! – j’ai joué une Sicilienne à Faustin, oubliant que Faustin maîtrise sur le bout des doigts la Pseudo-Rossolimo, une ouverture rarissime made in Wesleyland.

À bientôt, les futurs Carlsen ! Mangez des pâtes !

Jean-Michel Labourdique

Tournoi fermé Créon B – Rondes 3 et 4 – 10 juillet 2024

Fiche du tournoi RésultatsGrille Berger


* Vipera seoanei, la Vipère de Séoane, est une espèce de serpents de la famille des Viperidae qui se rencontre dans le nord-ouest de la péninsule Ibérique et l’extrême sud-ouest de la France.


L’Inocybe de Patouillard

L’Inocybe de Patouillard

Narcisse Théophile Patouillard (1854-1926), malgré ses initiales, ne fut pas un rappeur, mais le premier naturaliste à avoir identifié l’Inocybe de Patouillard*, mortel, à l’odeur de farine. « Il est le premier à avoir compris les bolets », affirme sombrement Georges Becker dans son Histoire de la Mycologie.

Inocybe Patouillardii. Comme le Rhinocéros de Merck, le Phoque de Weddel ou le Dauphin de Risso, ce petit champignon porte à jamais le nom de son inventeur, propulsé à jamais, à travers le latin, dans l’immortalité.

Aux échecs, c’est la même chose. La Ruy Lopez, la Nimzovich, la Najdorf, permettent à Ruy, Aaron et Miguel une vie éternelle, grâce au zeste de génie qui différencie une ingénieuse innovation d’une fantaisie douteuse.

Y aura-t-il un jour un Gambit Faustin ? Une Attaque Luther ? Je n’en sais rien, mais nos deux jeunes Créonnais ont montré ce mardi 9 juillet de belles qualités.

Faustin, le matin, a livré un beau combat, récupérant à l’énergie une pièce perdue à l’ouverture, puis l’emportant. L’après-midi,face à Luther, il a joué une Ouest-Indienne pétillante, vite rendue explosive par des roques opposés. Victoire, là aussi.

Luther, le matin, avait malicieusement répondu à une sicilienne par une Alapine, sans succès malheureusement.

Quant à moi, mon Anglaise symétrique et ma Nimzo-Indienne n’ont brillé que par leur manque d’imagination. L’invention de la Défense Jean-Michel n’est pas pour demain.

À bientôt, les futurs Carlsen ! Mangez des pâtes !

Jean-Michel Labourdique

Tournoi fermé Créon B – Rondes 1 et 2 – 9 juillet 2024

Fiche du tournoi RésultatsGrille Berger


* Inocybe erubescens (aussi décrit sous le nom d’Inocybe patouillardii), appelé Inocybe de Patouillard est une espèce de champignons basidiomycètes du genre Inocybe extrêmement toxique contenant de la muscarine.


Le moment de prendre un ris

Le moment de prendre un ris

Quand le marin voit à la couleur du ciel ou de la mer que ça va souffler et tanguer dans peu de temps, il prend un ris*, il réduit la surface des voiles pour qu’un coup de vent n’entraîne pas une catastrophe.
Quand faut-il prendre un ris ? Le moment de prendre un ris, dit la sagesse populaire à Douarnenez, c’est exactement quand tu te demandes s’il ne faudrait pas prendre un ris.

Aux échecs, c’est la même chose, ça s’appelle la prophylaxie. Pour éviter un danger possible, on surprotège une case, on met le Roi dans un coin de l’échiquier, on échange son mauvais Fou.

Le Tournoi Jeunes

Au 16ème Open Rapide de Caudéran, les jeunes de Créon ont été prophylactiques à bon escient et ont attaqué quand il le fallait !

La palme revient à Luther, qui prend une très belle 6ème place du Tournoi Jeunes. Il a commencé par sa traditionnelle Ouverture Italienne victorieuse, et continué par un mat du couloir. Comme un bon marin, il a su éviter les coups de kornog, comme on dit en rade de Brest. Bravo Luther !

Mani a battu un joueur classé 1590 Elo grâce à une défense Owen ! Le prix de l’originalité ! Bravo Mani !

Dès la 1ère ronde, Gauthier a su maîtriser les coups de pions trop nombreux de son adversaire. Puis il a perdu sa Partie Viennoise, victime d’un coup de libeccio, comme disent les sardiniers de Livourne. Mais c’est à la 3ème ronde que Gauthier s’est déchaîné : fourchette Dame-Tour, échec à la découverte… Son adversaire a succombé sous une pluie de coups. Bravo Gauthier !

Quant à Ulysse, il a fait également un très beau tournoi. Bravo à lui aussi !

Le Tournoi Principal

Chez les moins jeunes, Maxime a bien mis en pratique sa lecture du livre de Paul Keres sur les finales, parvenant ainsi à éviter les coups de brouillarta, comme disent les thoniers de Saint-Jean-de-Luz. Après une très belle partie, aussitôt, je lui ai demandé :
– Alors, qu’est-ce que tu trouves de remarquable dans tout ça ?
Il a réfléchi un long moment et il a dit :
– La chaleur. Il fait trop chaud ici !

De son côté, Wesley a fait également de très belles choses. À cause de son amour de l’attaque, il a refusé le confort d’un match nul, puis a perdu avec panache. Il n’a pas pu éviter un coup de lebeche, comme disent les pêcheurs d’amphores de Puerto Palos.
Un peu plus tard, Maxime est venu me trouver, enthousiaste :
– Wesley a battu un mètre !
– Si son adversaire était vraiment tout petit, il n’a aucun mérite, ai-je répondu d’un ton dédaigneux.

En conclusion, pour rester dans le monde marin, j’évoquerai une nouvelle des Contes des Mers du Sud, de Jack London. L’équipage d’une goélette, réfugié sur un lagon de l’Océan Indien, regarde, fasciné, les préparatifs du typhon qui les balaiera, le ciel qui noircit, la mer livide, les mouettes affolées. Tous regardent au loin sauf un, un quartier-maître hypnotisé par le baromètre et qui contemple, désespéré, l’aiguille qui descend, descend, descend, descend, descend…

Ce 8 mai 2024, pendant toute la compétition, je n’ai cessé de regarder ma descente aux enfers sur les tableaux de l’arbitre, comme le quartier-maître de Jack London regarde la chute de l’aiguille du baromètre. Bon, ça ira mieux demain !

À bientôt, les futurs Carlsen ! Mangez des pâtes !

Jean-Michel Labourdique

Résultats

Classement du Tournoi JeunesGrille américaine

Classement du Tournoi PrincipalGrille américaine


* « Prendre un ris » ou « ariser une voile » consiste à réduire la surface d’une voile en la repliant en partie. L’objectif est d’adapter la surface de la voilure à la force du vent lorsque celui-ci forcit.